L'ancienne France : Le roi

Frantz Funck-Brentano livre ici une étude vaste et mesurée sur la figure du roi dans l'histoire de la France. À travers une série de chapitres clos et thématiques, l'auteur retrace la genèse d'un pouvoir né des décombres de l'anarchie des VIIIe et IXe siècles, puis transformé par la suture des relations familiales, féodales et religieuses qui fondent l'autorité royale. La thèse centrale rapproche le pouvoir royal de l'autorité paternelle : le roi, à la fois chef de famille, seigneur et garant de la paix, s'érige en un centre moral et politique reconnu par ses sujets.

L'ouvrage examine la domesticité de la royauté — le "ménage" princier — comme instrument politique et symbole d'ordre social, ainsi que la place de la paix du roi, principe fondateur du droit public et de la sécurité collective. Funck-Brentano consacre une attention soutenue aux Parlements et aux coutumes, montrant comment ces contrepoids et pratiques locales participent à la singularité de la monarchie française. Il met en évidence les tensions entre pouvoir central et libertés locales, l'usage du "bon plaisir" royal et les limites imposées par les corps intermédiaires.

Particulièrement utile est l'analyse de la monarchie de droit divin et de la manière dont le sacré fonde la légitimité monarchique, tout en étant parfois instrumentalisé par la politique. L'auteur explore aussi la notion de "front populaire" de la monarchie, c'est-à-dire la cohésion sociale et les réseaux de fidélité qui soutiennent la couronne face aux crises. La maison de France est présentée non seulement comme une lignée dynastique, mais comme un foyer d'autorité diffusant des normes et des représentations sociales.

Autre point fort : la réflexion sur l'opinion publique et les sentiments du peuple. Funck-Brentano montre comment l'image du roi se construit dans la mémoire collective, comment les attentes et les affects populaires peuvent soutenir ou fragiliser l'institution royale, et pourquoi, au terme du long trajet historique, la monarchie ancienne finit par s'effondrer sous l'effet d'une conjonction de crises politiques, économiques et culturelles — dont la Grande Peur constitue un symptôme marquant.

Riche en références et en discussions de sources, l'ouvrage se positionne à la croisée des approches institutionnelles, sociales et symboliques. Il s'adresse aux historiens, aux étudiants et aux lecteurs cultivés désireux de saisir la complexité d'une institution qui a façonné durablement la société française.