À la gloire de Jeanne d'Arc

Publié en 1895, cet ouvrage d’Albert Lecoy de La Marche se présente comme une synthèse érudite et équilibrée sur la personne de Jeanne d’Arc. L’auteur, historien reconnu et membre de l’Institut, met à profit sa connaissance approfondie des sources médiévales pour analyser, sans passion inutile mais avec admiration, les traits essentiels de la Pucelle d’Orléans. Il s’attache autant à sa personnalité qu’aux controverses historiographiques qui ont entouré sa figure au fil des siècles.

L’ouvrage s’ouvre par une étude des caractéristiques générales de Jeanne : sa simplicité, son courage, son obéissance intérieure et cette intuition surnaturelle qui la guide dans sa mission. Lecoy de La Marche aborde ensuite la question de sa nationalité, objet de débats anachroniques, puis examine la nature de ses inspirations : hystérie, illusion ou véritable mission divine ? L’historien confronte les hypothèses modernes aux faits et aux témoignages des procès, montrant la cohérence et la lucidité de Jeanne.

Une partie importante du livre est consacrée aux miracles attribués à la Pucelle, à leur place dans les récits contemporains et à la manière dont ils ont été interprétés dans la tradition française. L’auteur traite ensuite des accusations récurrentes : Jeanne aurait-elle été abandonnée par Charles VII ? A-t-elle été condamnée par l’Église ou par un tribunal aux mains de ses ennemis politiques ? Lecoy de La Marche expose avec précision les responsabilités réelles, distinguant les institutions ecclésiastiques de ceux qui ont instrumentalisé le droit canonique.

L’ouvrage s’intéresse également à des personnages et épisodes souvent méconnus : Jean Bréhal, promoteur du procès de réhabilitation, ou encore la légende de la « fausse Jeanne d’Arc » et la dame des Armoises, dont Lecoy de La Marche retrace la fortune littéraire et les réapparitions au cours de l’histoire.

Les derniers chapitres étudient l’évolution de la mémoire de Jeanne du XVe au XVIIIe siècle, puis au XIXe siècle, période où renaît un intérêt profond pour son rôle religieux et national. L’auteur montre comment la Pucelle, tour à tour héroïne, figure romantique, symbole patriotique ou sainte canonisable, a été relue au gré des préoccupations historiques de chaque époque.

Par son travail clair, méthodique et fidèle aux textes, Lecoy de La Marche offre une étude précieuse pour qui souhaite comprendre non seulement l’histoire de Jeanne, mais aussi l’histoire de ceux qui l’ont interprétée. Ce livre demeure une référence pour les chercheurs, les amateurs d’histoire et les lecteurs intéressés par la construction mémorielle autour de la sainte de la Patrie.