L'Antifrance à l'œuvre ou ce que la loge nous réserve

Publié en 1925 chez Alsatia, L'Antifrance à l'œuvre de l'abbé Paul Sutter rassemble scènes, récits et images issues de la période des Inventaires et des vagues anticléricales qui agitèrent la France au début du XXᵉ siècle. L'ouvrage, relativement court mais dense (166 pages, 35 illustrations), adopte un ton engagé et dramatique : Sutter veut montrer, au travers de faits précis et d'anecdotes saisissantes, la réalité matérielle et morale des persécutions subies par l'Église et les fidèles.

L'auteur relate expulsions et attaques contre des monastères et des congrégations, la profanation d'édifices sacrés, la chasse aux congrégations religieuses et le sort des personnes consacrées — autant d'épisodes qu'il met en rapport avec l'action d'acteurs politiques, associatifs et maçonniques qu'il considère comme responsables d'une entreprise de déchristianisation. Les chapitres alternent descriptions factuelles, témoignages locaux (Alsace et autres régions), rapports d'événements dramatiques et réflexions morales pour exhorter les catholiques à la résistance.

La variété des rubriques — du « Sans Église, sans tabernacle » aux « Journées sanglantes de Paris », en passant par des épisodes régionaux (Alsace, Jura, Bretagne) et des récits individuels — donne une vision panoramique des violences et vexations. Les 35 illustrations complètent le propos en restituant des images fortes (assauts aux couvents, exils, scènes de foule), renforçant l'impact émotionnel du récit.

Sur le plan éditorial, Sutter s'inscrit dans la littérature catholique de dénonciation anticléricale des années 1900–1920 : mêlant argumentation apologétique et journalisme d'opinion, il vise à mobiliser les consciences et à documenter ce qu'il présente comme une politique systématique contre l'ordre religieux. Pour les historiens et chercheurs, l'ouvrage constitue une source utile pour mesurer la perception locale des persécutions religieuses et les récits de résistance catholique à l'époque.

Enfin, le ton parfois pamphlétaire et l'usage d'images saisissantes font de L'Antifrance à l'œuvre autant un instrument de propagande morale qu'un recueil documentaire : prudence donc pour l'historien, mais valeur certaine pour comprendre les représentations et les émotions des milieux catholiques confrontés aux inventaires et à la laïcisation.