L'Université de Paris et la cause de sa haine

Cet ouvrage du Père Jean-Baptiste Ayroles constitue une analyse dense et documentée consacrée au rôle joué par l’Université de Paris dans l’orientation des jugements portés sur Jeanne d’Arc. L'auteur, spécialiste reconnu des archives johanniques, y expose une thèse ferme : l’hostilité envers la Pucelle ne fut pas le fruit d’un simple malentendu doctrinal, mais d’un positionnement politique et ecclésiologique profondément enraciné dans le fonctionnement et l’ambition institutionnelle de l’Université au début du XVe siècle.

Le livre explore d'abord la place de l’Université de Paris dans l’Église et dans la vie publique durant les décennies marquées par le schisme et la rivalité d’autorité entre papes et conciles. L’auteur met en lumière la contribution majeure de ses maîtres à la propagation des courants favorables à la supériorité conciliaire, ainsi qu’à l’influence grandissante de la diplomatie anglo-bourguignonne dans un royaume déchiré par les factions. Les portraits des docteurs concernés, ainsi que l'analyse de leurs écrits, démontrent comment cette élite intellectuelle a progressivement glissé vers une posture alignée avec des intérêts politiques plus que théologiques.

La seconde partie du volume se concentre sur l’action de l’Université dans la sphère politique française, notamment durant les règnes tourmentés de Charles VI et de Charles VII. Les interventions directes des maîtres parisiens dans les affaires publiques – y compris leur influence sur les décisions militaires et diplomatiques – montrent une institution persuadée d’être dépositaire d’une mission nationale et spirituelle supérieure, allant jusqu’à conditionner ses positions à la légitimité des princes.

La troisième section est consacrée à la discussion des justifications invoquées après coup concernant leur hostilité envers Jeanne d’Arc. L’auteur démonte point par point les raisonnements historiques, théologiques et juridiques avancés par les défenseurs de l’Université afin de blanchir son rôle dans la condamnation de la Pucelle, en rappelant la force des témoignages contemporains et le contraste entre les approbateurs et persécuteurs.

L’ensemble constitue une étude sévère mais argumentée, offrant une lecture capitale à tous ceux qui s’intéressent aux dimensions idéologiques du procès de Jeanne d'Arc, ainsi qu’à l'histoire des institutions intellectuelles françaises. Plus qu’un réquisitoire, il s’agit d’un travail d’historien engagé, soucieux de vérité et appuyé sur des références majeures du cartulaire et des archives conciliaires.