La conférence entre Luther et le diable au sujet de la messe

Publié par l’éditeur érudit Isidore Liseux en 1875, ce volume présente, en regard, le texte latin attribué à Martin Luther et une traduction française entièrement revue, dans laquelle le Réformateur relate un entretien avec le Diable au sujet de la messe. Cette « conférence » — à entendre comme un débat intérieur dramatique — porte sur la nature du sacrifice eucharistique, le rôle du prêtre, l’efficacité des sacrements et l’autorité doctrinale.

L’intérêt de l’édition Liseux est double : d’une part, elle offre un texte soigné, confrontant sources et variantes ; d’autre part, elle encadre la pièce par les remarques critiques des abbés de Cordemoy et de Lenglet-Dufresnoy, qui replacent le témoignage dans la tradition catholique et discutent la valeur théologique et historique du récit. Le lecteur voit ainsi se déployer, au fil des chapitres, la manière dont les polémiques du XVIᵉ siècle ont été relues au XIXᵉ, à travers une grille apologétique.

Sur le fond, la « conférence » interroge la messe comme sacrifice et mémorial, question nodale de la Réforme. Les arguments prêtés au « tentateur » — ironie tragique du dispositif — servent à Luther de contrepoint pour réaffirmer sa critique de la messe comprise comme sacrifice propitiatoire, tout en précisant sa doctrine des sacrements. Les annotations catholiques, quant à elles, contestent l’authenticité, l’interprétation ou l’usage que fait Luther d’une telle scène, et rappellent la théologie traditionnelle sur l’eucharistie.

Ouvrage bref, mais dense, il constitue une source précieuse pour l’histoire des controverses eucharistiques, la rhétorique confessionnelle et la réception éditoriale des textes réformateurs. À la fois document de spiritualité conflictuelle, pièce polémique et objet d’érudition, ce livre met en regard paroles, traductions et commentaires, offrant au lecteur un panorama ramassé des enjeux doctrinaux qui ont façonné l’Europe chrétienne.